dimanche 15 juillet 2007

Thrillride



Elles sont dilatées, fixes. Le cyclone m'entoure, je suis sa pierre angulaire. Tout tourne. Écrasée, aplatie sur l'occiput, mon oreille interne grince, bablutie une crédibilité ridicule. Mais perdues quelque part au royaume du chaos, mes pupilles s'obstinent. Plus vite! Plus vite! Je veux m'enduire de danger jusqu'à m'en faire un exosquelette!

Et au milieu des cris d'hystérie dans le wagon, on entend mon rire posé. Malgré-moi. J'ai confiance en l'acier. J'ai confiance envers l'opérateur. J'ai confiance envers ce délire corporatif. J'ai confiance. Simplement.

Cocktail d'adrénaline et d'endorphines. Je le bois d'une gorgée. Vive les manèges. Je contrôle la vie et la mort. Je ne connais pas la peur.

-- 17 heures plus tôt.

"Salut man!"

Deux yeux tristes, enfoncés dans un crâne rasé. Un nez busqué, beurré dans son faciès. Une petite bouche. Un menton fuyant.

Ma petite soeur l'a choisi. Allons donc. Ne pas être blessant.

Il se tourne vers moi, avec un visage qui exprime une fin du monde passive.

"Salut."

Je tends une énergique paume prête à juger sa poigne, qu'il glisse d'une caresse sur la sienne avant de presser mollement ses phalanges mon poing interloqué. Je déteste cette façon qu'ont les 13-14 ans de serrer la main. Heureusement, je peux aussi choisir de ne pas lui accorder d'attention.

Je suis devenu un fantôme dans la maison familiale, aussi ai-je accepté ce week-end avec mon père et ma petite soeur...et ce curieux prétendant en Jello.

Au menu, virée à La Ronde. Allons donc. Je ferme les yeux. L'asphalte commence.

-- 15 heures plus tard. Nous sommes samedi.

"Le Vampire, ça te tente-tu?"

Son visage a la forme d'une larme. Son arcade sourcillière est éternellement malheureuse. Il n'a pas fait de manège encore. Nous avons terrassé le Monstre, assailli le Super Manège, bravé la Tornade. Le vampire nous montre ses crocs. Alléchants.

"Non...mon estomac sera tout à l'envers, je vous attend."

Calcul rapide. La file a duré deux heures, si vous suivez bien. Il a plu. Nous étions sous un toit à avancer (horriblement) lentement. Pas lui. Il a gardé les peluches que j'ai virilement gagné dans un stand de Whack-A-Mole. Assis. Je le voyais. Ses babouches. Son air absent.

Et elle a pris forme en moi. Soudain. Ingrat sentiment.

Pauvre 'tit gars.

Il n'a rien fait de sa journée. Il a attendu ma soeur à chaque fois, lui disant combien il la trouvait courageuse d'attaquer les manèges.

Rien. Absolument. Je pense qu'il s'est acheté un Gatorade dans une machine.

Il parlait bas, ne souriait pas. Et donc par contraste nécessaire, je marchais le torse bombé, la démarche guidée par ma boucle de ceinture. Sourire, confiance peu méritoire puisque puisée à même son inconsistante bouille, d'autant plus marquée sur mes traits devenus anguleux. Regarde, beau-frère indigne, comment je suis fier et beau! Prends-moi comme modèle, moi, l'Apollon de Six Flags, le braveur de g's, le chevaucheur de rails! Je te prends dans la famille, mais sois mon clone, sois mon élève! J'étais lumineux. Je voulais tant l'éclairer. Après l'indifférence teintée de dédain, me voici protecteur et magistral.

Aucun des manèges ne m'a fait peur. J'en sortais avec le même enthousiasme, cherchant vainement à l'entraîner, à le mettre en mode apprenti. Mais il était tellement wussy qu'il se cachait quand je prenais des photos.



19h00. Rue Sainte-Catherine, chez Reuben's.

"J'ai passé la plus belle journée de ma vie."

J'avale difficilement ma fournée de frites.

"Pourquoi? T'as rien faite!"

"'J'étais avec Florence et elle vaut de l'or à plein de carats."

Mon père rationalise alors que ma conception de la vie s'effrondre en silence, s'enfonçant avec les frites dans mon oesophage.

"Sais-tu c'est quoi le maximum de carats?" sourit l'ingénieur.

"Non."

Je suis en ce moment sur mon portable. Au coin Peel/Sherbrooke. J'essaie de tirer une conclusion. Intérieurement, je sais que mon ego surdimensionné n'a encore rien donné, et j'essuie l'échec. Mais voilà. Il séduit ma soeur avec son pathétisme, jusque dans ses flatteries puériles.

J'ai passé mon séjour à la Ronde à voir des couples s'entrelacer, des gens dans la vingtaine qui s'embrassaient dans les files pour passer le temps. J'ai vu des gens plus beaux, à la stature parfaite, qui s'amusaient anonymement. Et j'étais un cowboy ridicule qui déambulait d'un manège à l'autre, écrasant au passage le nez du beau-frère devenu laquais. Je le sais. Inconsciemment, je me rappelle de tous les visages, notés avec envie.

Une belle anglaise m'a demandé l'heure. Mon corps a été survolté par l'évènement. Et c'est tout ce que l'Apollon de Six Flags a récolté avec sa lyre.

Je riais de lui. Il fredonnait la chanson de Plain White T's quand elle a passé sur Énergie. Je me voyais en train de lui faire écouter Beatsteaks, The Hives et Guttermouth...question de mettre de la culture dans ses fontanelles, probablement encore molles.

Et ce soir, je l'ai dans la tête, sa chanson.

J'aurais tellement mieux à dire qu'une phrase bancale sur des carats. J'aurais des poèmes et des chansons à écrire. Je distille pourtant mes phéromones chaque fois que je croise une oeillade. Je tisse mes phantasmes comme tous les rêveurs, mais au contact je serre mes dents et mes glandes, le coeur compressé sur l'occiput. Il lance des appels à l'aide. J'ai l'oeil fixe. Immobile.

Ce que je ressens bute sur l'indice de réfraction de mon cristallin.

Je suis à Montréal.

Je m'ennuie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

tien tien sa me rappelle une histoire? mais oui mais c la mienne kelle couïncidence

lol
je taime mon grand frere
kan meme
xxx
floe XD