Voici ce qui s’est passé dans ma tête au matin du 10 avril 2010 entre 5h00 et 7h00
Insomnie, incapacité de dormir. Je vais plusieurs fois aux toilettes, la première pour trouver mon téléphone cellulaire et le rapatrier dans ma chambre, la deuxième pour vérifier s’il y a encore du sang dans mes selles (il y en a encore), la troisième après m’être masturbé sur de la pornographie, question de m’essuyer.
Je crois après être parvenu à trouver le sommeil.
Mon premier rêve, je crois que je m’en souviens assez bien, impliquait des aveux que je faisais sur des filles, en faisant un parcours de tyroliennes dans un canyon de jeux vidéos. On y voyait de curieuses maisons de bois flottant dans l’espace, et un décor coloré était visible au dessus des murs du canyon. J’avais la faible impression de ne pas être seul dans cette scène. Je communiquais, mais la discussion me déroutait, me mettait hors de moi. La veille, j’avais appelé mon père, un peu éméché, pour savoir s’il allait venir me visiter dans la fin de semaine.
Mais la personne à qui je parlais, c’était ma sœur, qui était dans la même ville que moi cette nuit là pour visiter un ami de cœur.
Or c’est à elle que je parlais, et j’ai l’impression que je lui parlais de choses bien terribles, sur mes ex-copines, sur la vie, sur l’amour. Des choses troublantes, à tout le moins.
Ensuite j’ai rêvé, dans une transition étrange (un panneau publicitaire animé est apparu dans le canyon) à deux filles faisant l’amour à un ours gigantesque. On voyait l’énorme phallus de l’ours pénétrer les jeunes filles, et je craignais pour leur mort : l’ours était partagé entre l’acte sexuel et une folie meurtrière. Cependant j’étais moi-même survolté par le spectacle, dans l’ivresse d’un fantasme. L’ours a fini par éjaculer à gros bouillons, les deux jeunes filles se plaisaient dans les mares de spermes qui s’étendaient à n’en plus finir sur leur corps, dans leurs orifices, un sperme épais et blanc pur. Le tout dans un niveau de détail surprenant. L’ours s’est éjaculé dans la bouche, sur sa grosse langue, et les deux jeunes filles l’ont embrassé dessus. L’ours ressemblait de plus en plus à un monstre hideux et trisomique.
J’ai continué à rêver à quelques scènes où l’ours pénétrait des superbes femmes qui avaient elles-mêmes un immense pénis dressé. On ne voyait pas clairement l’ours, mais je savais que c’était lui. En fait je crois que c’était toujours la même femme, blonde, avec ce pénis énorme qui semblait collé à la place de son vagin. Au cours de ces scènes, j’ai moi-même éjaculé à deux reprises dans mon sommeil, imaginant entre autres des vagins glabres remplis de sperme.
Ensuite c’est moins clair, mais plutôt horrible.
J’ai ouvert les yeux. J’avais un sentiment terrible. Par la porte de mon garde-robe, un objet volette hors de mon champ de vision. Je cligne des yeux, la même chose se répète. Dans le lit, ma sœur était avec moi. Elle m’explique qu’elle est partie de chez son copain pour venir coucher à mon appartement. Elle est énormément maquillée, habillée d’une robe bleue très détaillée, et elle est dans les couvertures. Elle me dit qu’elle ma plusieurs fois serré la main pendant que je dormais, mais en se tenant le plus loin possible de moi.
Je commence à penser que j’ai peut-être fait des choses regrettables, je commence à avoir peur. Je me lève, mais l’exercice est difficile. Je ne distingue pas toujours les contours et les meubles, mais tout semble en place, sinon que mon ordinateur est maintenant directement à droite de mon lit. Je marche vers la porte de sortie, il y a plusieurs objets coupants sur le plancher.
Un long corridor apparaît derrière la porte, montrant une succession de vielles portes délabrées. On reconnaît vaguement la maison de ma grand-mère Hélène, lorsqu’on sort de la chambre du fond. Il y a un texte écrit sur le mur opposé : JE VOUS TUERAI (pas certain : je crois que c’était plutôt en deux mots, et que ce n’était pas cette formulation; mais pas moyen de m’en rappeler). Je m’entends le répéter avec un ton un peu caustique (dans le sens ‘qui aurait bien pu écrire ça? sachant pertinemment que c’est moi’) Émilie me dit que Papa n’a pas aimé ma nuit, elle m’indique un dessin placardé sur ma porte : on y voit une caricature laide mais travaillée de moi au plomb, avec un cercle au feutre sur mon cou. On peut lire ‘COUPEZ ICI!!’ avec une flèche dessinée rageusement vers mon cou.
Je referme la porte.
Je constate qu’Émilie tient dans sa main libre (celle qui ne tenait pas la mienne quand je dormais) un carton bleu où l'on peut lire : je t’aime mon frère François. Elle est étonnamment calme, elle me dit qu’elle va peut-être m’inviter à un de ses soupers de filles pour parler de mon cas. J’ai peur d’avoir fait l’amour avec elle en dormant.
Je commence à m’inquiéter de mon ordinateur. Où est-il? Je le trouve dans mon lit. Je crois qu’il est à l’origine d’un bourdonnement qui s’accentue de plus en plus. Mais non.
Je prends mon cellulaire. Cette fois-ci, je découvre que c’est lui qui émet le bourdonnement, sourd et continu. Je le mets en marche, mais il fonctionne bizarrement. L’ordinateur aussi fonctionnait bizarrement, quand j’y pense, mais cette crainte est plutôt abstraite, elle entre dans toute la panoplie d’éléments étranges dans la chambre. Je constate que l’objet qui voletait hors de mon garde robe est en fait une de ses pentures prolongée d’une espèce de vilebrequin, pourtant bien en place.
J’ouvre le compartiment de batterie de mon cellulaire. Une puce de silicium a disparu, laissant paraître un trou profond qui montre les circuits imprimés. Autour du trou, quatre traces brunâtres, brûlées. Je porte le téléphone à mon oreille, je réalise peu à peu que c’est à l’intérieur de la batterie que ça bourdonne. J’enlève la batterie, j’appuie dessus, le son grésille mais ne disparaît pas. J’appuie encore, puis frustré, je lance la batterie sur le sol de toutes mes forces. Elle éclate, projetant du lithium et je ne sais quels composants chimiques aux alentours. Je dis à ma sœur que ces substances sont sans doute responsables de mon comportement. Je ramasse les éclats avec mes mains.
Peu après, j’ouvre les yeux. Je suis dans ma chambre, tout seul. Je prends mon ordinateur et j’écris vite ces lignes, après avoir chuchoté ‘mais qu’est-ce qui s’est passé’. J’ai froid, j’ai peur d’être tombé malade. Quelque chose m’échappe dans ce cauchemar. J’ai oublié de le noter, mais il y avait quelque chose de plus inquiétant, une présence, peut-être, ou plutôt une paranoïa exacerbée, panique.
Étrange.