lundi 26 janvier 2009

La Haine

Je suis fasciné par les autres. Je suis complètement obnubilé par le comportement de mes semblables, leur capacités décisionnelles, à prendre position, à manifester de l'animosité et de la résistance. Je suis, en tant qu'entité comparable, sous-jacent à ces états de conscience, je suis victime de bousculade, chaque jour, sur le plan des idées.

Je suis capable d'écouter.

Je peux passer des heures à regarder parler quequ'un, à le relancer, à reformuler, à cibler son argumentation et l'amener à développer. Je suis parfaitement déterminé à me faire convaincre, tout à fait en mesure de suivre un mouvement et socialement très adaptable. Je suis ouvert, chaque jour, aux principes incisifs, aux émotions nommées à haute voix, aux critiques  et aux hauts-cris. Je suis sensible aux flèches qui pointent en ma direction, je les absorbe, comme un corps souple, elles entrent en moi laissant des rectangles en relief, et ce qui reste, des piques partout. J'ai acquis, à ce jour, la subordination parfaite, une étincelle dans ma lassitude, qui les convainc de me parler, encore  et sans cesse. Je suis pour eux une occasion de confort, d'amour.

Ils aiment tant parler. Se faire valoir. Gagner le jeu de la comparaison.

Ils vivront ce sentiment une fois. Puis ils en voudront plus, alors ils frapperont plus fort. Le baromètre gonfle chaque jour. C'est deux là n'ont aucune pitié. Le premier est fasciné par ce qu'il projette, l'autre est fasciné par ce qu'il est. Il ne comprennent pas que moi, c'est l'autre qui me fascine, que je suis heureux de ma propre abstraction. Alors ils frappent. Ils griffent, lacèrent, empoignent. Ils me jettent dans les coins. Ils m'en veulent. Ils me cognent au visage, à la nuque, sur les tempes. Ils m'enfoncent leurs poings dans le ventre, à m'en couper le souffle, je me mords les lèvres et avale mes larmes. Ils font tous ces gestes dans la plus parfaite indifférence.

Voilà, voilà ce qu'on récolte quand on décide de prêter l'oreille. Ils ont oublié comment recevoir, alors ils donnent sans ménagement. En leur avouant que je voulais apprendre à communiquer, je voulais qu'eux, ils se positionnent sur la question. Mais ils n'écoutent rien. Ils éludent cet impératif, qui évolue, requérant émotivité et modestie.

Je n'argumenterai jamais! Je ne m'opposerai pas à des sophismes et à des raisonnements cycliques infondés! Ils me font honte! Et ce refus de douter d'eux-mêmes, eux que j'aime tant, de tout mon coeur, je ne peux m'empêcher de le voir poindre dans chaque être humain, dans tous les visages inconnus! Ce constat fendille mes molaires, car si nos proches se refusent à reconnaître l'interdépendance, où sont mes repères! Personne n'est donc en mesure de se remettre en question? Ils sont en hypnose, au son de leurs propres mots!

"Je suis seul à régner" ne serait pas le penchant optimiste. Une conjonction s'impose.

Or, je suis seul et je règne.

Si comme fer de lance, j'ai cette énergie de révolte, qu'elle me serve à moi et à moi seul, et qu'ils périssent en broche sur mon fil, dans la rumeur électrique de mon esprit! Ils rôtiront entre les mailles de ma toile de résistors, j'ai tous les droits de les voir inférieurs, car jamais ils ne pourront aplanir le tumulte!

Non, car ils vivent en marge du silence!

Qu'ils ouvrent un livre, bon sang! Qu'ils s'enferment, qu'ils passent des heures sans solidarité et sans magnétisme! Qu'ils souffrent! Qu'ils souffrent d'espérer un autre humain, sa venue et sa chaleur, qu'ils s'isolent et qu'ils maigrissent!

Qu'ils s'extrayent, qu'ils peinent et qu'ils pleurent! Voilà, ce que l'observateur ressent! Qu'ils comprennent en quoi il est si difficile de s'exprimer, d'aller vers l'autre, de se manifester. 

Oui, qu'ils ouvrent un livre. C'est une terminaison libre, un livre. Une façon d'écouter, un média qui ne fait que recevoir, nos yeux, mais aussi cette capacité activable d'attention, de focalisation, de fixité. Un média lent.

Les autre médias, ceux qui les animent, me sont dépassés. La télévison et la radio sont des émetteurs appartenant au passé. Ils nous demandent une attention inscrite dans le temps, enchâssée dans une pratique et une technique qui alourdissent leur message. Bien qu'ils puissent maintenant se targuer du contraire, leur définition sera toujours d'une granularité dégradante, et ce pour l'un comme l'autre. Ils forment des techniciens de l'écoute, ils bornent l'humain à une réception lâche! Jamais, jamais leur message ne dépassera l'anectodique! Jamais! Le chemin jusqu'au cerveau est tortueux et mauvais, et les pauvres informations convoyées dans cette farce sociale que sont les médias meurent quelque part tantôt le long de mon nerf optique, tantôt dans mon conduit auditif. La parole des médias n'a aucune valeur et il en est de même pour tous les humains qui s'y consacrent! Qu'ils souffrent! Tous, qu'ils se tordent et qu'ils brûlent!

Dans la société, je suis seul, et je règne.

Deux phrases non complémentaires. En elle-même, la conjonction est un principe variable.

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