dimanche 30 novembre 2008

Une Autre Histoire de disco-mobile

29 Novembre 2008

La camionnette de Maman file vers le Holiday Inn. Inquiet à l'intérieur, j'observe nerveusement la silhouette massive du bâtiment, mesa absurde dans la plaine, flanquée d'une discrète éclipse nocturne, un ongle orangé, un coup de pelle dans le négatif.

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20 Mai 1999

Pink Floyd joue dans le coupé sport de Papa. Nous dépassons les premières maisons de Stoneham. La route commence à s'aplanir. Le soleil filtre entre les épinettes noires, créé des flashes rouges intermittents sur ma rétine.

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Je verrouille le véhicule près de l'entrée. En quelques scènes, je change de vêtements, je m'achète une boisson énergie, je vais aux toilettes, et je fais mine de préparer ma console, pourtant prête depuis 15h00. 

La salle accueille 175 personnes. Ils sont en train de finir le dessert, tous bavardant, certains déjà rougis par le vin. Une chanteuse égrène des chansons lancinantes qui rebondissent quelque part sur les murs amovibles, et lui reviennent vierges.

J'ai encore une bonne demi-heure avant d'entrer en action, aussi je m'intéresse à eux.

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Papa roule vite. Il dépasse deux camions, hâlé par son instinct céleste. Calé dans le siège passager, je rigole, pour lui montrer que je suis un homme. Son dépassement dans la voie adjacente s'étire jusqu'à la double ligne. Émilie s'indigne, derrière.

Papa n'a qu'un petit rictus, qu'on pourrait deviner serein.

Il réintègre la voie légale, les camions disparaissent de la surface de la terre, aspirés par le monoxyde et les décibels.

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Je commence à mettre un peu de musique, le responsable du syndicat prend mon micro, que je règle sur sa voix monocorde. Il annonce divers prix de présence, on applaudit les chanceux.

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Émilie est exaspérée à chaque fois que le 300M rugit. Papa ricane un peu, la tempère avec un humour venteux. Les maisons se multiplient, je me demande en les voyant défiler qui sont les curieux qui vivent dans ce fade in résidentiel à l'orée de Québec.

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Enfin, la soirée disco-mobile commence. Je suis hésitant, excessif dans mes commentaires au micro. Ils sont pourtant une horde sur la piste de danse, j'ai toutes les raisons de me mettre en confiance, mais mes doigts gourds tremblent en annonçant les anniversaires.

Un géant vient me faire une demande spéciale, il me tape dans le dos, m'offre une bière.

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La voiture de Papa va tellement vite qu'elle gagne en transparence. Émilie a décidé de se taire.

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Oh, et ils sont pourtant beaux. Tous, autant qu'ils sont, eux carrés, elles fardées, ils scintillent, compensent pour l'absence de système d'éclairage. Ma fibre hormonale s'allume, même, ce sont elles qui m'impressionnent, grandes, au sourire parfait, aux cheveux soyeux, dansant comme des diablesses frivoles, connectées à la perfection du mouvement. J'ai des absences hypnotiques.

Ce sont eux qui, devant elles, se conjuguent, riant d'une voix forte, comme des lions, serrés dans des complets ajustés, faisant jouer leurs muscles sous le tweed. Ils viennent me voir assez souvent, côté musique leurs suggestions m'impressionnent. C'est une éloge prestigieuse à la jeunesse, sur tous les flancs, et les quelques candidats à la pré-retraite ne s'en plaignent pas, loin s'en faut.

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Nous passons sous les viaducs de Charlesbourg. La voiture sinusoïde entre les locaux placides, Papa n'a pas encore renoncé à la trombe. Quelqu'un klaxonne. 

Regard rapide vers l'horloge. Nous avons franchi la réserve faunique des Laurentides en une heure et demie. Papa s'insère souplement sur l'autoroute de la Capitale. C'est la norme, avec lui, un excès jugé habituel : il possède cette route. Il en a même orienté certains tronçons, récemment, c'est dire.

Et encore une fois, la Providence, la belle providence, comme un vent du nord, a porté papa en l'épargnant des griffes de la SQ.

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Qu'est-ce qu'elles sont belles, ces policières! Et pourtant jetées aux oubliettes passionnelles, comme des bourrelles! Qu'est-ce qu'ils sont beaux, ces policiers! Et pourtant le costume officiel est là, comme une deuxième peau, craquant sur les mouvements de la danse, vilaine pellicule!

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Émilie sort du véhicule, s'étire. Je l'imite. Personne ne parle du trajet, à quoi bon, de toute façon. Papa s'anime, il m'a même l'air rajeuni, mais ses yeux dans les miens aigrissent l'estomac. Il faudra bien que l'ironie du sort trouve un moyen de justifier ce sixième sens, qui rend sa fuite licite.

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Le dernier slow joue. Tous les policiers ont une cavalière. Je me sens laid et petit. 

J'avais espéré, peut-être, que cette soirée me permette de les humaniser, et justement, ces humains parfaits dégrossissent ma psychose en une motte bien nette.

La loi m'inspire la peur, j'ai quelque part en moi ce phénotype ricaneur, qui instille le défi et la défense à la fois dans ma tête à leur simple contact. Comme papa, je me sens vivre lorsque je fuis vers l'avant, le plus vite possible.

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L'autoroute défile, et la lune est maintenant sur le point de se coucher. Malgré l'évidence, un total de 175 policiers bourrés et pantelants, qui garantissent une route libre et ouverte, je me tiens coît du haut de mes quatre-vingt dix kilomètres/heure.

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