lundi 18 août 2008

Les Embaumeuses

- Où est-il?

- Dans sa chambre. Là-haut.

- Bien, allez le chercher.

Trois ombres montèrent d'un pas lent, râpant chaque marche. Elles le trouvèrent dans un état de grâce, perdu dans une rêverie merveilleuse, chantonnant presque.

Les silhouettes s'emparèrent de lui. Deux grandes, une plus petite, qui semblait seulement les assister dans leur travail. Saisi de peur, il se figea, les yeux dilatés sur trois têtes horrifiantes, creusant un calque permanent sur sa rétine.

Il fut traîné au sous-sol. Puis, sans autre forme de cérémonie, elles insérèrent des seringues partout sur son corps, dans chaque rigole, comme des lampadaires sur ses vaisseaux sanguins. Les globules ne se firent pas prier et s'échappèrent. Tranquillement, elles décolorèrent sa peau, en tirant sur chaque prise, gavant les petite bonbonnes d'un rouge chatoyant.

Lui blanchissait, perdait le fil de sa pensée, et soudain la vit s'enfuir dans un dernier phosphène heureux. Il n'y avait déjà plus rien à voir.

- Bien. Gavez-le maintenant.

Tranquillement, elles arrimèrent des fils aux ouvertures encore suintantes de sang ferreux. Puis elles commencèrent à actionner la pompe, d'un geste circulaire et monotone.

Sa vision revint sur les trois visages sombres. Tranquillement, il distingua leurs traits fins, qui devinrent vite d'une beauté désarmante. Elles se mirent à tournoyer devant son regard, puis adoptèrent des positions différentes, toujours plus attirantes.

Et le liquide noir, sirupeux, circulait dans son corps, poussé par une pompe organique tarie.

***

Je me demande pourquoi Florence insiste toujours pour emmener des erreurs de la nature en voyage. Encore une fois, elle a alourdi le véhicule d'un spécimen au menton fuyant, à la dentition chaotique et aux yeux torves. Une jeune fille, cette fois, qui n'est jamais sortie de chez elle, et qui exprime une balance délicate entre sa personnalité de seconde main et sa dégaine immonde. Je suis à New York, ou plus précisément en banlieue, à Newark.

Je souffre de migraines et de fatigue. Je vois le voyage comme une occasion de faire le point, de rétablir ma confiance et de durcir mes pupilles fuyantes. Je me sens vidé d'énergie, j'ai laissé au Saguenay un lot important de responsabilités, qui semblent très petites d'ici.

J'aimerais bien aller me promener tout seul dans le Greenwich Village, somnoler au Central Park, mais je sais que mon père, ma soeur et ce gnome étrange se feront un devoir de me hâler d'un attrape touriste à l'autre. Enfin bon. J'avais promis à mon père que je serais du voyage si je ne me faisais pas de copine de l'été.

***

Plus tôt. Le 15 août au soir

- Wow! T'es belle!

- Merci!

Elle sourit. Je sens ma poitrine qui s'arrête.

- Et tu sens si bon.

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