jeudi 15 mai 2008

La Loi du silence

On est sûrement plus nombreux.

On se définit par échelons face aux autres. On n'a pas de pouvoir critique. On fait surface par la grandeur de nos gestes.

On est souvent les moins matures. On s'émerveille à tort, on apprend à travers, on se justifie par des faits. On s'efface.

On est envieux, on voit le visage des autres avant le nôtre. Nous sommes ceux-là, les revendicateurs d'identité, les seules dérivés du présent à son sens propre. Nous voguons.

Fiers, marchons dès lors, dilatons lentement le poing.

Nous sommes les fatalistes.


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Terrible mot. Celui des bras baissés, celui des résignés, ceux qui refusent de se battre. Les fatalistes creusent longtemps leur chemin de croix, transformant les échecs en interdits, les refus en tabous, les ruptures en hantises. En refusant d'accepter leur malheur, soufflant sur leurs espoirs cendrés, les fatalistes rechignent puis s'empêtrent.

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Nous possédons cette certitude qui manque aux autres. Nous nous moquons de leurs conseils, de leur normalité: nous savons. Oh oui, nous savons.

Nos tables de loi sont gravées depuis plus longtemps. Leurs déterminismes nous sont dérisoires, leurs ambitions sont fumerolles.

Nous sommes un brasier.

Nous sommes les obstinés.


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Je tâtonne dans le noir depuis une bonne période. Mon subconscient a pris le dessus, désormais je rêve à des éventualités mythiques pour reprendre contact, mais mon esprit placide et meurtri ne veut que vengeance et pitié. La dualité crée un conflit très intéressant en moi, sans doute positif puisque j'en retire cette faim, cette énergie grandissante investie en mouvement.

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Nous sommes les concepteurs. Nous savons à l'avance. À quoi bon l'intérêt d'une idée si une meilleure est possible. Nous sommes les détracteurs de nous-mêmes. Nous ne nous tolérons pas. Nous sommes consciemment perfectibles, et forcément humbles, bien qu'obsédés par ce constat. Nous sommes supérieurs car conscients de la petitesse de notre action.

Nous sommes les artisans.


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J'ai réussi ma session. Drôle de point d'arrivée, puisque je m'imaginais déjà reprendre des cours, pousser la date de ma graduation à plusieurs années, polissant la croûte de ma chrysalide scolaire.

Réaction malsaine, me direz-vous. Mais suite à un effort absurde, c'est fait.

Aussi je prends conscience que je termine la phase d'apprentissage l'année prochaine. Je serai officiellement un bachelier en conception de jeux vidéos.

Bon dieu. Il va falloir que je me plie à cette branche d'études. Voilà trois ans que je joue au roseau retors, me développant dans une centaines d'activités connexes pour éviter l'étiquette déprimante du nerd. Et mes notes ont chuté considérablement.

Je voudrais tant qu'on m'aime. Je voudrais tant être une emblème fière plutôt que cette créature nocturne, persuadée d'un futur vengeur et touillant les braises de quelques idées fades.

Je voudrai être un designer, un vrai. Réinventer l'interactivité, confronter le sujet à la peur que sa propre dépendance entraîne dans une aventure sensorielle révolutionnaire. Je voudrais définir la conscience par l'abstraction du monde.

Mais comme les rêveurs manquent d'esprit d'entreprise, il me faudra encore beaucoup de maturité. Je rêve d'un moi fort et confiant.

C'est très personnel et individualisé, ce concours des choses. Or j'espère que la chose ne vous est pas étrangère, en faisant abstraction du domaine, on est tous confrontés à la marque du fer rouge qui change notre statut d'enfant en professionnel. C'est pour ça que je n'ai pas étudié en communications.

***

Nous avons connus le succès. Nous avons goûté à la félicité, au moins une fois. Or cette idée nous est obsédante, nous souffrons de ne pouvoir viser plus bas. Nous souffrons d'affection, de vivats.

Nous sommes en questionnement, en silence.

On s'y cherche les uns les autres.

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