Parfaite.
Parabolique, svelte, ma courbe était parfaite.Comme cheveu rebelle, je m'extirpai de l'habitacle, sourire aux lèvres, une attitude merveilleusement harmonisée au 305 injection.
Le LeMans me rend chaque jour plus heureux. Ainsi, enligné entre les lignes jaunes, il m'attendra. J'ai à faire.
"C'est tu normal que ton char coule en avant?"
Merde.
Nous sommes à La Baie. 6 juillet 2007.
La Baie.
Excroissance urbaine sur Ville de Saguenay. Croulante. Je ne me perdrai pas en descriptions ici. Mais je me limiterais à un mot pour décrire les immeubles, les gens, l'ambiance.
Beige.
***
Dégoulinant de liquide de refroidissement, le LeMans cahote dans l'entrée du Canadian Tire local. Inquiet, je me presse vers l'entrée des garages, l'attitude dans les godasses.
Et la voilà.
Accoudée au comptoir, perdue dans une conversation avec un quelconque soupirant, elle dégage cette féminité aérienne, ce charme qui s'élève en brusques volutes.
Elle est belle, rien de plus. Hâlée, plutôt petite, un chandail de laine foncé, décoré d'un iris jaune. Cheveux sombres. Yeux bleus, limpides. Merveilleusement spontanée.
Le combiné rejoint l'appareil, tintement plastique, puis:
"Hé salut!"
Bizarre, elle me parle avec le ton d'une connaissance, je sens la touche d'amitié, chaude. Je regarde les mécaniciens par la baie vitrée qui conduit au monde obscur de l'entretien automobile.
Ma mémoire déficiente fonctionne à vive allure. L'aurais-je déjà vue?
Sans succès.
"Salut! Je crois que mon tuyau de prestone est percé. Je suis en train de tout le perdre dans le stationnement."
Derrière le comptoir, elle prend un air sincèrement désolé. J'ai les yeux ronds. De la compassion? Dans un Canadian Tire? Allons donc!
Mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir d'avantage. Elle est déjà sortie dehors.
D'un pas décidé, elle rejoint le LeMans blessé. Je suis derrière, courant presque. Elle se poste devant le capot, et ni une ni deux, la voici couchée sur l'asphalte, ses cheveux parfaits assaillis par le crasseux bitume.
Sur le dos, elle manipule le tuyau fané, étendue sous la voiture, en plein milieu du stationnement.
"Avance ton char dans la baie numéro 1"
***
Bon, d'accord, elle a vérifié le tuyau elle-même. Surprenant pour l'hétrosexuel moyen, suffisament curieux dans mon cas. Je persiste à regarder les mécaniciens en habit bleu, s'affairant autour des pneus d'un rutilant Ford F-150. Ces bons médecins usuriers auront tôt fait de guérir l'hémorragie.
***
Je retourne au comptoir, une fois ma part du travail accomplie. Elle me sourit.
"Viens avec moi."
Nous parcourons les allées.
"J'ai recherché la bonne pièce, mais on l'a pas ici à La Baie. On va plutôt essayer de colmater le trou...avec ça."
Elle redresse son bassin, découvrant à peine son abdomen. Dans sa main droite, une petite bobine de ruban.
"Allons-y."
Je pénètre dans le laboratoire auto. De sa démarche assurée, elle se faufile sous la plateforme hydraulique qui soupèse le LeMans. Et dans un torrent de prestone, la voici qui tortille le ruban noir autour de la fuite. Au milieu de l'huile. De la crasse. Et il me fait toujours un peu mal de l'avouer...mais de la rouille, aussi. Elle retire sa bague pour mieux travailler, je la tiens, béat, dans ma paume.
***
Je regarde les trois mécaniciens. Ils sont massés autour de ma voiture, regardant la valkyrie à l'oeuvre.
"Je le fais moi-même, tsé, eux-autres sont pas capables."
Une bombe éclate, silencieuse. Pantins. Tremblez devant la matriarche. Elle est magnifique.
***
J'ai appris qu'elle avait une formation en mécanique automobile, quatre ans d'expérience dans le domaine, et que deux des mécaniciens étaient des stagiaires, le troisième étant seulement l'employé aux luminaires qui vient jaser de temps en temps dans le garage.
J'ai aussi été témoin d'un appel qui souleva une fantastique colère en elle. Le propriétaire d'un Rav4 refusait de se faire servir par une fille.
En ce 8 juillet, je m'indigne. Comprenez-moi bien, je serais le premier à rire d'une manifestation féministe, mais cette aventure m'a démembré. Les bras m'en sont tombés, je veux dire. Enfin bon...vous comprenez.
***
"Tu veux une Honk-Kongaise?"
"Comment?"
Elle me sourit.
"J'ai des cigarettes de Hong Kong, mon père en arrive. Elles sont fraîches d'hier."
J'ai accepté. Je ne fume pas.
Je la fumerai surement un jour.
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1 commentaire:
elles ont un drôle de gout ces honk-hongaise....
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