jeudi 8 janvier 2009

Les Chromatiques

Épilogue:

La lumière soustractive


C'est difficile, de comprendre le autres. Ils sont si rustres, si rapides, que j'en perds pied, et tout en glissant je me demande ce que je fais parmi eux.

Je redoute une longue période de solitude.

Une solitude insidieuse, qui encore, soulèvera les mécanismes de défense habituels, inhérents à mon éducation et à mon cadre social: le mépris, la haine et leur accumulation successive.

Les articles précédents s'en portent garants, et pourtant c'est l'incompréhension, encore, qui jaillit à gros bouillons, tant la compagnie d'une personne en mesure de sentir ce manque me taraude.

Oh certes, je vois mon échafaud, bien monté. Comme si je suivais un destin condamné à rester dans l'envie et la marge, mes yeux suivent les cadastres de mon père, ils tracent un chemin gris vers une finalité équidistante.

Quelle douleur, quelle douleur que celle d'être dans ce constat, alors que je peux me targuer d'être enviable! Car au fond, la constatation du malheur n'est-elle pas le signe du questionnement, qui lui-même est l'accomplissement de tous les besoins primares, et donc du bonheur?

Arrivé à ce point, je ne peux qu'exiger me rallier à des principes forts, comme celui d'être un homme, celui d'être fier, fiable et en phase avec les autres.

Mais non!

Ils me sont toujours étrangers! Toujours! Je ne suis que le narrateur absent dans leur vie, et je ne raconte rien? Car rien dans ma personne n'a d'attache envers eux!

Queque part, au creux de mes draps, les mailles s'étirent. Des millions d'aceria anthocoptes s'y reproduisent à grand bruit,  projettant des effusions partout, jaunâtres, brunes et odorantes, l'environnement est infesté d'un parfum âcre de glaire et de chitine.

Partout, des oeufs pullulent, il s'en extirpe des larves monstrueuses, agglutinées dans des filaments spongieux qui jadis auraient fait la fierté d'une tisserande. Certains éclosent, d'autres sont dévorés dans une explosion de blancheur écoeurante, les fluides nourrissants s'épanchent dans une odeur rance mais douce, gagnant tranquillement le lin par capillarité.

À des centaines de micromètres de là, des cadavres s'empilent, zone où la desquamation se fait rare. Il n'y a pas de raison de s'inquiéter, cependant, car une armée d'acariens entoure le charnier putride, ils s'en repaissent, grugeant à grands bruits les vieux abdomens, qui à leur tour libèrent par à-coups un pus libérateur. Ils s'empilent, milliers de corps plats, et mordent partout, de toute façon ils n'ont pas d'yeux, aussi à quoi bon gruger un vivant où un mort?

Les restes ne laissent qu'une rumeur de nausée, acide.

Et ce bouillon organique se répète systématiquement sur des milliers de centimètres insidieux, parfois même il grimpe sur mon corps, où chaque terminaison libre m'envoie une petite démangeaison, signe qu'une cité de monstres hideux vient sur mon paysage rose.

Certains tâtent les trous de mon corps, et s'y engouffrent. Ils entrent ensuite par ma bouche, par mes yeux, et moi au retour j'écris ces textes, ces textes horribles et noirs, car ils se reproduisent à présent dans ma tête, où toutes les couleurs de leurs humeurs sordides se mélangent.

Et ainsi donc, je reprends toujours les mêmes textes, les mêmes idées, celles-ci s'entre-dévorent.

***

Au fait, c'est bien ironique que de s'endormir seul, geignant sous quelque fantasme puéril, alors que l'enfer lui-même se reproduit en grande pompe contre nous, en 500 x.

***

En 2009, je suis un homme. C'est une décision plus qu'un constat, car j'aurais pu à loisir me rabatte sur l'immaturité dans mes échecs, mais c'est une stagnation qui ronge ma dignité comme une peste.

Je suis un homme. Intègre et sagace.

Il faudra tôt où tard que ce constat chasse les nouvelles larves.

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